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L'Ircam signe un accord de coopération avec le C-LAB de Taïwan

L'Ircam signe un accord de coopération culturelle avec le C-LAB de Taïwan (2020-2027) pour contribuer à la constitution du Taïwan Sound Lab

Reconnu à l’international comme acteur de référence dans les interactions art-science, l’Ircam est un lieu de ressources pour les acteurs du spectacle vivant qui viennent y bénéficier des dernières innovations pour la création sonore.

L’Ircam a été appelé à exporter son modèle et ses savoir-faire à Taipei, dans le contexte de la création d’un nouveau centre culturel et technologique souhaité par le ministère de la Culture de Taïwan : le C-LAB, situé au cœur de la capitale de Taïwan.

Dès septembre 2018, l'expertise de l’Ircam a été sollicitée pour assister l’équipe de préfiguration du C-Lab dans ses choix organisationnels et stratégiques pour la constitution du Taiwan Sound Lab. Cette expertise se fonde sur l’expérience organisationnelle et programmatique propre à l’Ircam, articulant production et diffusion culturelles avec recherche et technologies de pointe. L’Ircam s’est ainsi s’engagé pour la première fois dans un projet d’ingénierie culturel avec le défi de transmettre et d’adapter son modèle, né au XXe siècle à Paris avec un rayonnement européen, dans un contexte institutionnel et culturel tout autre, celui de Taipei et de l’Asie au XXIe siècle.

La première édition du « Sound Festival » qui s’ouvre à Taipei le 22 novembre 2019 sous le thème « Diversonics » marque l’annonce de ce partenariat, avec la signature d’un accord de coopération culturelle avec le C-Lab pour huit ans (2020-2027). Ambitieux, cet accord concerne aussi bien l’univers de la création musicale que des arts sonores.

Photo : Signature de l'accord entre le directeur de l'Ircam, Frank Madlener et la ministre de la Culture de Taïwan, Cheng Li-Chiun le 21 novembre 2019

Le programme de coopération et d’échange entre l’Ircam et le C-Lab traverse trois grands domaines :

1. la création en lien avec l'innovation technologique : résidences de recherche artistique, biennale « Sound Festival », coproductions entre Paris et Taipei ;
2. la recherche : constitution d’un réseau international intégrant des laboratoires et des universités, focus technologiques thématiques (la spatialisation, l’immersion 3D…) ;
3. l’éducation : des formations pour les professionnel.le.s à l’action culturelle à destination de tous les publics.

Dans la cadre de la 1re  édition du C-Lab Sound Festival, plusieurs oeuvres et installations multimédias du répertoire très récent de l’Ircam sont jouées pour la première fois à Taïwan aux regards d’œuvres taïwanaises, dans un esprit exploratoire et participatif, dévoilant la création sonore dans toute sa diversité.

Entretien avec Hsiangling Lai, directrice du C-LAB et Frank Madlener, directeur de l'Ircam

Comment s’est noué ce partenariat entre le Contemporary Culture Lab (C-LAB) et l'Ircam ?

Frank Madlener : À Taïwan, nous rencontrons un véritable appétit pour la culture française, et un goût non moins remarquable pour l’échange contradictoire et la démocratie délibérative. L’inventivité dans les arts est forte en particulier au cinéma, dans les domaines de la réalité virtuelle et augmentée, les arts visuels et le spectacle vivant. Toutefois ceux de la composition musicale, de l’ingénierie sonore, et de la recherche en amont, restaient en retrait : ce fut l’un des motifs de la sollicitation de l’Ircam. Tout est né lors d’un Forum Ircam réalisé à la Kainan University, en décembre 2016, avec le soutien de l’Institut Français.

Hsiangling Lai : En septembre 2018, la ministre de la Culture de Taïwan, Madame Cheng Li-Chiun, en visite à l’Ircam, a signé un mémorandum avec Frank Madlener. La convention officielle a été actée en novembre de cette même année pour une collaboration entre le C-LAB et l’Ircam qui se concentre sur l’échange de recherches et de technologies dans les domaines de la musique et de l’acoustique, en vue de l’établissement d’un Taiwan Sound Lab (TSL) au sein du C-LAB.

Photo : Signature du mémorandum entre le directeur de l'Ircam, Frank Madlener et la ministre de la Culture de Taïwan, Cheng Li-Chiun en septembre 2019 à l'Ircam

Frank Madlener, qu’avez-vous constaté en termes de rayonnement de l’Ircam à l’international lors des rencontres préliminaires ?

F.M. : L’Ircam est aujourd’hui reconnu comme un modèle pour le continuum entre art, science et ingénierie, ce dont on parle tant au début du XXIe siècle. L’Ircam intrigue, vu depuis l’extérieur, par sa pérennité et par les réalisations concrètes que l’institution a accomplies. Nous sommes donc sollicités pour la réalité sensible et perceptible de ce qui s’est noué entre le laboratoire et l’atelier d’artiste.

Comment avez-vous abordé ce défi de transposer le modèle de l’Ircam, initié au XXe siècle par un compositeur français, à l’Asie du XXIe siècle ?

H.L. : La pratique professionnelle de l’Ircam représente une base solide pour le TSL, avec la participation active de partenaires locaux (institutions académiques, acteurs de la culture et des arts, les ingénieurs du son et les organismes dédiés aux arts visuels et à la performance). Nous espérons établir une plateforme pour la recherche, la production et la représentation, qui reflète non seulement la scène artistique mondiale, mais aussi les riches racines de la culture taïwanaise. Grâce au système Ambisonics, par exemple, nous incluons les cultures et paysages sonores locaux au sein de productions telles que A Song Within Us et The Butterfly Lovers Violin Concerto.

F.M. : Il ne s’agit pas de dupliquer ce qui a présidé à l’essor de l’institution fondée par Pierre Boulez dans les années 1970 en France. Il s’agit bien davantage de rejouer dans un contexte autre l’alliance fertile entre science-art-technologie. Nous pouvons surpasser le XXe siècle en habitant pleinement le XXIe siècle dont l’un des marqueurs est la non-séparation des disciplines et des méthodes : il faut penser simultanément le laboratoire et ses modes d’exposition, l’ingénierie ambiante et la perspective critique sur la technologie, les résidences artistiques et leur environnement immédiat, la spécialisation et le grand public, la création musicale et les autres disciplines puisque les mutations technologiques les affectent pareillement. C’est ici que l’expérience de l’Ircam est déterminante et peut faire gagner beaucoup de temps à un interlocuteur jeune et dynamique qui grandit en Asie. Pour pleinement s’accomplir, l’inventivité propre aux mondes artistiques et scientifiques doit pouvoir s’indexer à un nombre et à un monde extérieur, quels qu’ils soient : la communauté actuelle et à venir des spectateurs et des interprètes, des scientifiques et des artistes, des citoyens et des humains.

Nous pouvons identifier aujourd’hui deux orientations majeures et complémentaires, ou qu’il faut rendre complémentaires. D’une part, le C-LAB en tant que réseau de recherche art-science-technologie. Des priorités particulières se sont précisées, ainsi des liens de l’immersion sonore avec les enjeux de la réalité virtuelle, l’interaction du son avec l’image. En aidant à la constitution du TSL au sein du C-LAB, puis en installant un dôme de diffusion Ambisonics, l’Ircam a répondu à une première demande : comment faire une place au monde du sonore et de la composition face à l’hégémonie de l’image à Taïwan. D’autre part, le C-LAB en tant que territoire d’innovation culturelle et sociale situé. À la jonction du quartier le plus riche de la ville et de quartiers beaucoup plus pauvres, cet espace en mutation soulève aussitôt des questions d’urbanisme et de fonctionnalité, et son projet architectural contribuera à sa pertinence. Il y a aussi un enjeu politique et culturel taïwanais lié à la préservation et à la diffusion de la culture locale, notamment traditionnelle et aborigène, avec une dimension de recherche en sciences humaines, de réflexion sur l’usage technologique dans un contexte démocratique.

Pôle de recherche et vie d’un lieu :  ces deux orientations ne se recouvrent pas immédiatement. À chaque étape du projet, se retrouvent les termes de cette dialectique qui oblige à opérer des choix et à trouver un équilibre.

Peut-on parler d’un « Ircam-Taïwan » ? Qu’attendez-vous de cette aventure ?

H.L. : Nous espérons poursuivre cette collaboration avec l’Ircam sur le long terme, selon trois axes : création (avec le Sound Festival, le programme de résidence en recherche artistique, et des coproductions artistiques tous les ans), recherche (avec une conférence internationale sur l’acoustique et l’informatique musicale, que nous co-organiserons, réunissant des experts et chercheurs d’envergure internationales, mais aussi une section taïwanaise au sein du Forum Ircam, qui servira de vitrine à nos outils) et formation (avec un programme public de musique électronique ainsi qu’un programme d’échange entre diverses facultés et institutions universitaires, établi grâce à l’Ircam).