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Maxime Mantovani 3/5 : Une impro

Le blog des résidences artistiques

Le 21 décembre dernier, Maxime Mantovani était en studio avec Henri-Charles Caget aux percussions et Victor Auffray au flugabone, pour une session d’improvisations qui étaient autant de tests du dispositif auquel il travaille, alliant interface et modèles pré-entraînés de synthèse sonore. Une étape cruciale du travail, pour confronter les outils développés à la réalité de leur utilisation. Il lève pour nous le voile sur l’une de ces improvisations, qui, de son propre aveu, est assez unique car la consigne donnée était de produire une musique calme…

Devant Maxime Mantovani, on découvre donc l’interface de contrôle, avec ses quatre disques étranges, à mi-chemin entre le cadran d’un antique téléphone et une platine de DJ. Cette interface n’étant pas encore totalement fonctionnelle, elle se complète de quatre écrans permettant de visualiser les formes d’onde ainsi que les différents routages du patch.

« Au cours de cette improvisation, explique le compositeur, l’interface me permet de gérer deux modules de synthèse granulaire MuBu Granulate (développé à l’Ircam par l’équipe ISMM), un Looper CSound (qui me permet de réaliser des boucles sonores), les entrées directes des musiciens, et trois générateurs de synthèse sonore par intelligence artificielle.

Ces trois générateurs peuvent, à ma guise, utiliser cinq modèles pré-entraînés à partir d’un même algorithme de réseau de neurones (le modèle RAVE) sur cinq banques de sons différents : de la darbouka, du daf, de la voix, du flugabone, et une dernière banque de sons qui rassemble tous les échanges entre la base de la NASA à Houston et la Mission Apollo 13.

Photo Victor Auffray au flugabone dans les studios de l'Ircam

« Je peux me servir de ces sources, ou même d’un son électronique que je produirais moi-même, pour faire générer du son aux modèles pré-entraînés par transfert morphologique. Je peux aussi enregistrer le son généré par l’IA, et le réinjecter dans une IA – ce qui me permet de générer du son sans trop subir la latence et les délais imposés par la lourdeur du modèle. »

Cette improvisation est la dernière de la journée et les trois hommes s’accordent pour faire « quelque chose de calme » : « Nos improvisations sont souvent assez énervées, avoue Maxime Mantovani, et nous voulions cette fois explorer quelque chose de plus détendu, des textures qui s’épanouissent dans la durée. »

« Dès le début, j’ai connecté la percussion au modèle pré-entraîné de synthèse vocale. Ainsi, quand Henri-Charles fait par exemple bruisser ses fagots de brindilles, tous ces sons déclenchent comme des chuchotements et des bruits de respirations, avec des articulations quasi humaines, même si on a bien conscience que ce double vocal est un peu monstrueux. Je trouve ça très poétique.

« À la toute fin de l’improvisation, j’ai voulu mettre en abyme les sons de la NASA. J’ai donc routé le flugabone vers le modèle pré-entraîné sur la banque de son "Apollo 13" et j’ai injecté le résultat dans une boucle sonore créée avec mon Looper, après l’avoir transposé dans l’extrême grave. Cette boucle a tourné et tourné encore, avec un phénomène d’accumulation, et j’ai réinjecté tout ce matériau accumulé, à nouveau dans le modèle pré-entraîné "Apollo 13".

« C’est ainsi que, partant de rien, nous parvenons à construire ensemble le discours musical au fur et à mesure de l’improvisation. »

Session d'improvistaion dans les studios de l'ircam

Maxime Mantovani, Henri-charles Caget et Victor Auffray (décembre 2021)