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3 questions à Philippe Langlois

Rencontre avec Philippe Langlois, directeur de la Pédagogie et de l’Action culturelle de l’Ircam, qui a orchestré le renouvellement du Cursus de composition et d’informatique musicale. Ce programme forme une dizaine de compositeurs.trices. aux logiciels de l’Ircam appliqués à la composition musicale.

À l’aube du 30e anniversaire du Cursus de composition et d’informatique musicale, et fort de la réorganisation de son enseignement, pouvez-vous nous en préciser les nouveaux enjeux ?

Les jeunes compositrices et compositeurs qui souhaitent venir à l’Ircam pour suivre pendant un an le Cursus de composition et d’informatique musicale cherchent avant toute chose à apprendre et maîtriser les différentes technologies qui sont nées de l’institut afin d’enrichir leur pratique de la composition et de s’y confronter. Pour autant, il est fondamental de garder à l’esprit que le recours à la technologie n’est évidemment pas un but en soi mais un moyen de prolonger l’écriture musicale, la pensée compositionnelle, rehausser le geste artistique, expressif ou poétique.

Or, on constate, ces dernières années, au moment du concert de fin d’année du Cursus, une standardisation de la pièce pour instrument soliste et électronique en temps réel ou différé. L’écriture instrumentale augmentée et spatialisée, trop limitative, voire parfois décorative, ne constitue pas une unique direction à suivre. La diversité des formes, combinée aux possibilités qu’offrent la technologie, ouvre vers des espaces de création bien plus vastes. Aussi, souhaitons-nous replacer au premier plan l’écriture de l’électronique, de la synthèse, y compris à travers la question de sa notation dans la partition, l’interaction et le mapping de données, la modélisation physique d’instruments, la composition assistée par ordinateur. Il s’agit aussi de les amener à découvrir des domaines de recherche qui émergent des équipes de recherche telle l’intelligence artificielle, au voisinage des arts contemporains, du texte, de l’image, de la danse ou de l’installation.

L’arrivée de Pierre Jodlowski en tant que prochain compositeur associé au cursus devrait permettre de donner un nouvel élan et de conforter ces nouvelles orientations.

Le renouvellement des formes dans la composition musicale est au cœur de vos préoccupations. Comment l’envisagez-vous ? Quels sont vos interlocuteurs ?

Avec ma nomination à la tête du département de la pédagogie, en 2017, ainsi que celle de Thierry De Mey en tant que compositeur associé au Cursus, un renouvellement s’est aussitôt naturellement opéré avec la volonté d’ouvrir vers une pluralité des formes. Pour ce faire, chaque année, nous avons introduit un nouveau séminaire thématique comportant des workshops, des conférences, des rendus de projets, avec la volonté de créer des interactions tant sur le plan artistique qu’au niveau technologique. Nous avons débuté avec des disciplines chères à Thierry De Mey, l’image ainsi que la danse, en nous rapprochant du département des études chorégraphiques du Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris.

Depuis 2018, nous avons également cherché à renouer le lien distendu entre musique et poésie contemporaine. Les compositeurs et compositrices ont la possibilité de travailler à partir de textes originaux écrits par plusieurs poètes vivants, dans un atelier mis en place avec le concours de la poétesse Laure Gauthier. Depuis septembre dernier, cet atelier a été repris par Irène Gayraud.

La nouveauté cette année est notre participation avec l’École nationale supérieure des beaux-arts de Paris à la création de la nouvelle chaire intitulée « Supersonique : exposer, monter, habiter le son » qui vise à permettre un travail collaboratif entre les étudiants des Beaux-Arts, des anciens cursus et, de manière optionnelle et volontaire, avec les nouveaux qui souhaitent se confronter à la forme de l’installation. La restitution des projets est prévue pour être montrée au Théâtre des expositions à partir de la fin du mois de mai, et durant tout le mois de juin 2021.

Comment se structure l’année sur le plan pédagogique ?

Sur le plan pédagogique, l’année est structurée en deux parties. Une phase programme de septembre jusqu’à décembre où prennent place les séminaires workshops et les enseignements techniques fondamentaux afin de leur permettre de déterminer leurs projets. Durant cette phase, nous avons introduit des cours d’humanités afin d’homogénéiser la grande disparité des connaissances liées à l’histoire de la musique électroacoustique ainsi que pour donner à comprendre l’apport véritable de la technologie dans les œuvres emblématiques et historiques de l’Ircam.  

La phase projet s’étend ensuite de janvier à avril où les compositeurs se spécialisent dans les domaines de la synthèse, de l’interaction et de la formalisation en fonction de la direction que prend leur projet. Enfin, d’avril à juin, ils entrent dans une intense période de composition pour préparer la restitution de leur pièce qui prend place actuellement au sein du festival ManiFeste.

Photo : Philippe Langlois © Raphaël Rippe