Création
Actualité

REACH 4/4 : Le retour de Horse Lords

Le blog des résidences artistiques

Le 16 juin dernier, dans le cadre du Festival ManiFeste-2023, le groupe de rock Horse Lords a fait la première partie du concert Reaching OUT !, partageant la scène, comme Joëlle Léandre en seconde partie, avec les Who/Men – c’est-à-dire la fine équipe du projet Reach, qui développe et utilise l’IA interactive Somax2 dans le cadre de cette production. Groupe de rock d’avant-garde originaire de Baltimore, Horse Lords se situe à la conjonction des traditions musicales krautrock, post-punk, appalachiennes et africaines, intégrant polyrythmies et électronique. Si leur résidence à l’Ircam a été plus brève que celle de la contrebassiste française, elle s’est avérée pleine d’enseignements pour toutes les parties. Voici les sentiments à chaud des quatre « Seigneurs du cheval », saisis dans le feu de l’action, juste avant le concert.

Gérard Assayag, que vous inspirent les propos des musiciens de Horse Lords ?

Gérard Assayag : Horse Lords représente une évolution importante de la scène de musique de groupe américaine, proposant une alchimie singulière qui mêle la puissance rock, les secrets savants des espaces de hauteurs non tempérées et des polyrythmies, et une culture contemporaine des musiques électroniques, le tout inscrit dans une vision poétique et politique articulée. Leur avis est donc précieux à notre sens. Ce qui est intéressant dans leurs propos est leur acceptation d’un univers poétique inhabituel issu des réactions de la machine informée par les algorithmes du projet Reach tels que Somax2, et leur découverte du fait que nous pouvions aussi les actionner nous-même comme des musiciens leurs instruments, ce qui les laissait totalement libres de leurs initiatives musicales. En ce sens, on peut dire que la greffe a pris, permettant aux « Who/Men » (les musiciens chercheurs du projet Reach) et au logiciel Somax2 d’interagir avec eux sur scène pendant le concert – pour le plus grand plaisir du public.

    
Interview Owen Gardner - Horse-Lords (guitar) and Max Eilbacher - Horse-Lords (bass/electronics) from Popmyfilm on Vimeo

Qu’est-ce que l’équipe Représentations musicales a pu apprendre de cette collaboration ?

Gérard Assayag : Mis à part une expérience unique et très antérieure avec le logiciel Omax (ancêtre des logiciels actuels) et le groupe Aka Moon (au Centre Pompidou, déjà), nous n’avions jamais encore utilisé les logiciels co-créatifs du projet Reach dans un cadre non idiomatique avec un groupe. Je n’avais aucune idée de la tournure que cela pourrait prendre car, à la différence de l’improvisation libre, il est très compliqué d’insérer les flux engendrés par des programmes d’IA dans la métrique implacable d’un groupe de rock, sans la fragiliser ou être à contre-emploi.Lorsque les Horse Lords sont arrivés à l’Ircam pour cette résidence, nous nous réservions la décision d’utiliser ou non l’interaction électronique générative pour le concert. Les sessions en studio ont balayé nos appréhensions respectives. Nous avons très rapidement trouvé un langage commun, ce qui a été rendu possible, d’une part, grâce à la versatilité stylistique du groupe – du rock à la musique contemporaine – et, d’autre part, grâce à la puissance et à la réactivité de Somax2, qui ont permis un engagement immédiat des musiciens dans la co-improvisation. L’enseignement majeur est donc que, parmi les clefs du succès de ce genre d’expérience, il y a – outre le talent et l’ouverture d’esprit des musiciens – le caractère « agnostique » du logiciel (le logiciel n’a pas d’hypothèse a priori sur le style des musiciens auxquels il sera confronté), sa rapidité d’intervention (pas de longue préparation nécessaire avant la performance), et son expressivité aisément contrôlable. Ce cocktail nous a permis de produire un concert avec Horse Lords qui restera dans les annales !
 

   
Interview de Andrew Bernstein Horse-Lords (saxophone/percussion) et Sam Haberman Horse-Lords (drums) from Popmyfilm on Vimeo.