Depuis sa création en 1977, l’Ircam a pour mission fondamentale de susciter une interaction féconde entre recherche scientifique, développement technologique et création musicale contemporaine. Cette articulation constitue le principal axe structurant de l’ensemble de ses activités. L’un des enjeux majeurs est de contribuer, par les apports des sciences et techniques, au renouvellement de l’expression musicale.…
L'Ircam est un centre de recherche internationalement reconnu dont l'activité est consacrée à la création de nouvelles technologies pour la musique et le son. L'institut offre un environnement expérimental unique permettant aux artistes d'enrichir leur expérience sonore via les concepts développés et exprimés grâce aux nouvelles technologies.
Au service des missions de recherche et de création de l’Ircam, la transmission cherche à éclairer le sens actuel et en devenir des interactions entre arts, sciences et technologie, mais aussi à partager ses modèles de connaissance, ses savoir-faire et ses innovations vers un public le plus large possible.
Au cœur d’enjeux sociétaux et économiques croisant culture et technologies de l’information, les recherches accueillies à l’Ircam se présentent dans le paysage international de la recherche comme pôle de référence interdisciplinaire autour des sciences et technologies du son et de la musique et s’exposent en permanence aux nouveaux be…
Depuis sa création en 1977, l’Ircam a pour mission fondamentale de susciter une interaction féconde entre recherche scientifique, développement technologique et création musicale contemporaine. Cette articulation constitue le principal axe structurant de l’ensemble de ses activités. L’un des enjeux majeurs est de contribuer, par les apports des sciences et techniques, au renouvellement de l’expression musicale.…
L'Ircam est un centre de recherche internationalement reconnu dont l'activité est consacrée à la création de nouvelles technologies pour la musique et le son. L'institut offre un environnement expérimental unique permettant aux artistes d'enrichir leur expérience sonore via les concepts développés et exprimés grâce aux nouvelles technologies.
Au service des missions de recherche et de création de l’Ircam, la transmission cherche à éclairer le sens actuel et en devenir des interactions entre arts, sciences et technologie, mais aussi à partager ses modèles de connaissance, ses savoir-faire et ses innovations vers un public le plus large possible.
Au cœur d’enjeux sociétaux et économiques croisant culture et technologies de l’information, les recherches accueillies à l’Ircam se présentent dans le paysage international de la recherche comme pôle de référence interdisciplinaire autour des sciences et technologies du son et de la musique et s’exposent en permanence aux nouveaux be…
Les données, les datas : il n’est plus aujourd’hui question que de ça, ou presque. Elles sont le prisme au travers duquel nous envisageons le réel, elles informent et motivent les décisions. On les mine tel du charbon, on les extrait, on les exploite, on en nourrit nos machines…
Qu’un artiste s’en empare comme matière première de sa création n’était qu’une question de temps : de fait, nous y sommes — faisant suite au groupe de Stuttgart qui développait un art algorithmique (une esthétique qu’il étudie lui-même dans le cadre de ses recherches universitaires), le français Gaëtan Robillard est « sculpteur de données ». Son travail de plasticien consiste à rendre « perceptibles » (c’est-à-dire matériellement tangibles à nos sens : vue, ouïe, toucher…) ces données qui tissent aujourd’hui nos sociétés. On dit souvent que l’art est une manière pour l’artiste de partager sa vision du réel : ici, ce sont les données elles-mêmes qui sont détournées pour donner à voir cette vision, ce monde sous un angle différent.
Breton d’origine et fasciné par les océans, Gaëtan Robillard s’est par exemple emparé d’un simulateur météorologique développé par une équipe de chercheurs de Brest pour « matérialiser » les hauteurs de vague dans
une tempête : sur une longue dalle posée à même le sol, des poutrelles parallèles, réparties à intervalles réguliers, donnent à lire grâce à un afficheur l’évolution de ces hauteurs sur une bande équivalente d’océan — une manière, aussi, de rendre palpable immédiatement compréhensible l’intensification des tempêtes due au changement climatique.
Gaëtan Robillard. Laëtitia Ngha, Lycée International de l'Est Parisien et Anastasiya Balan, Université Gustave Eiffel. Critical Climate Machine, 2021.
Lorsque le réseau européen Mediafutures (dont l’Ircam est partenaire) cherche, fin 2020, à lancer et soutenir des projets artistiques qui mettraient en lumière la place prépondérante prise par les données dans notre vécu du réel, les termes de l’appel semblent cousus sur mesure pour Gaëtan Robillard : ainsi naît une nouvelle pièce, intitulée Critical Climate Machine.
Il reprend du reste pour l’occasion le dispositif imaginé pour la matérialisation des tempêtes, en le faisant bien entendu évoluer. Il commence par le nourrir d’autres données, pour traiter à nouveau le sujet crucial du bouleversement climatique. Cependant, plutôt que de s’intéresser à ses effets, et pour mieux saisir l’influence parfois néfaste de la donnée dans nos sociétés, il se tourne cette fois vers les discours climatosceptiques diffusés sur les réseaux sociaux.
Il n’est toutefois plus question ici de modélisation : c’est en temps réel que l’installation donne à ressentir le degré de désinformation en ligne. Pour ce faire, Gaëtan Robillard et son équipe *, aidés en cela par des chercheurs en sciences cognitives **, ont entraîné une intelligence artificielle à classifier les divers discours climatosceptiques : du pur mensonge au détournement de citations, en passant par la citation hors de contexte ou la remise en cause du consensus scientifique, cette IA — qui ressemble à celles développées par les réseaux sociaux eux-mêmes pour faire la chasse aux fake news — attribue, en temps réel donc, un code (comme un « code erreur ») à tous les tweets de certains comptes Twitter identifiés comme appartenant à la mouvance climatosceptique.
La traduction numérique du tweet (dans une forme lisible pour l’IA), ainsi que son code erreur, sont alors affichés sur le dispositif, qui est aussi capable de chauffer — la température de chauffe dépendant bien sûr de la quantité de tweets analysés et détectés par chacune des unités de la sculpture.
Pour compléter soniquement l’installation, Gaëtan Robillard met à profit le travail de recherche et de création de l’Ircam, à commencer par celui de Jérôme Nika. Avec l’aide du réalisateur en informatique musicale Dionysios Papanikolaou, il utilise la machine OM-Dicy2 (un moteur génératif générant de nombreuses variations à partir d'une même idée compositionnelle) pour générer de nouvelles phrases, à partir d’une base de données de dialogues spécialement conçus et joués reprenant divers arguments climatosceptiques accompagnés de leurs réfutations.
© Gaëtan Robillard
« Jouant sur une opposition entre ordre et désordre, les nouvelles phrases déconstruisent le sens original plus qu’elles ne le perdent totalement, dit Gaëtan Robillard.
D’une part, elles sont le résultat d’un « désordonnancement » des discours enregistrés et, d’autre part, elles reconstruisent des unités de sens. Autrement dit, OM-Dicy2 permet de générer des phrases purement musicales, mais aussi de provoquer des accidents ou des glissements de sens qui font apparaître d’une autre manière la nature du langage sur le climat.
La confrontation entre voix enregistrées et voix générées, engendre une tension en écho à l’éthique et à la dynamique du rapport entre société et technologie. »
Leur accumulation montre également la saturation de l’espace informationnel — qui permet hélas aux climatosceptiques de noyer le poisson.
© Gaëtan Robillard
* l’équipe de Gaëtan Robillard pour le développement de ce projet se compose de : Jérôme Nika, chercheur Tony Houziaux, designer sonore Dionysios Papanikolaou, réalisateur en informatique musicale Özlem Sulak, conseiller artistique Vincent Nozick, expert en apprentissage profond Laurine Capdeville, ingénieure-concepteur Jolan Goulin, programmateur
** John Cook, Monash Climate Change Communication Research Hub, Monash University, Australia.
Constantine Boussalis, Department of Political Science, Trinity College Dublin, Ireland.
Travis G. Coan, Department of Politics and the Exeter Q-Step Centre, University of Exeter, United Kingdom.
Une partie de l’installation a été développée au mois de juillet au ZKM de Karlsruhe.
Une première version est actuellement présentée au Deutsches Museum de Nuremberg (octobre-novembre 2021, das Zukunftsmuseum, « Le Musée du futur »).
Dans les épisodes suivants, nous nous intéresserons plus en détail à chacun des aspects de ce travail, ainsi qu’aux membres de l’équipe qui s’en occupent plus particulièrement.
Critical Climate Machine fait partie du projet MediaFutures, dont l’Ircam est partenaire.
Critical Climate Machine a reçu un financement du programme-cadre Horizon 2020 de l'Union européenne pour la recherche et l'innovation, sous la convention de subvention n° 951962.
Photos 1 et 3 : © Gaëtan Robillard