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Retour sur la création de « Campo santo » à Orléans : Voyage à Pyramiden

20h, ce mercredi 14 décembre à la scène nationale d'Orléans. Les spectateurs se pressent dans le hall d'accueil pour un concert inédit : « Campo santo ». L’affiche dédiée au spectacle attire le regard : une vaste perspective de montagnes et de glaciers entoure des bâtiments délabrés. Plus qu’une soirée musicale, ce titre mystérieux et ce visuel lunaire évoquent un voyage dans l'espace et dans le temps. C’est bien là le projet du compositeur Jérôme Combier et de son acolyte le scénographe et vidéaste Pierre Nouvel : nous expédier au fin fond de la Norvège, très précisément à 10 degrés du pôle Nord, sur l'archipel de Svalbard, dans la ville fantôme de Pyramiden, ancienne cité ouvrière construite à l’ère soviétique, aujourd’hui désertée.

La beauté qui se dégage des images prises sur l’île de Spitzberg a attiré un spectateur mélomane. Il a choisi d'assister à la proposition musicale de ce soir pour découvrir l'univers scénique du concert et l'ambiance de cette ville abandonnée soviétique. Plus loin, deux lycéennes s'interrogent sur ce que le multimédia va apporter à la musique : est-ce que le dispositif visuel et sonore aidera à mieux comprendre l'Histoire ? Elles sont également intriguées de découvrir des instruments nouveaux : une flûte au son particulièrement grave, des percussions pensées à partir de plaques de métal.
Une spectatrice confie qu'elle trouve intéressant de découvrir le travail qui promet d’être fait entre la musique et l'image, et la collaboration de l'Ircam sur ce spectacle avec l'apport de l'électronique.
Soudain, le micro grésille et appelle les derniers spectateurs à entrer en salle : la représentation commence dans quelques minutes.

Embarquement immédiat pour Pyramiden

À peine les lumières éteintes, l'immersion dans la cité désaffectée est totale. Un panneau central géant surplombe les musiciens et les instruments, sur lequel des images, vidéos et archives sont projetées et défilent. Grâce à la formidable collection d'images et de sons assemblés, l'immense fresque lumineuse accompagne la musique tour à tour envoûtante ou rythmique, joyeuse ou nostalgique. Chaque tableau, chaque passage dans les bâtiments, témoigne de l'usure du temps, de la disparition d'une communauté.


de gauche à droite : Christelle Séry à la guitare électrique et Fanny Vicens à l'accordéon © Ircam

Les sons uniques d'instruments rares ou spécialement travaillés contribuent à la sensation d’un espace hors du temps et à l’épiphanie de lieux en ruines : les solos chorégraphiés de l’accordéon quart-de-ton et de la guitare électrique actionnent l’apparition de décors d’antan, de couleurs et de lumières ; l’espace d’un instant, on peut imaginer la vie d’autrefois. Chaque pièce visitée, chaque scène de vie, réanime la cité sous les yeux du public. Les vestiges du passé, débris, mobiliers et objets délaissés, s’effacent au profit d’images de reconstitution des espaces de vie collectifs et intimes. La réverbération sonore issue des sets de percussions, des duos de plaques métalliques et de la flûte octobasse rappelle l’univers minier et sidérurgique. La partie électronique remplit un rôle dramaturgique et retentit magnifiquement à l’oreille à travers le montage de bribes de paroles en plusieurs langues, la création d’un vibrant chœur virtuel et la restauration sonore d’un piano abandonné avec ses partitions.

L’image finale d’un sablier percussif géant, étrange et ingénieux objet musical polysémique, à la fois métaphore du temps qui passe et symbole d’un âge d’or déchu, laisse le spectateur sur une note méditative après une expérience forte en sensations visuelles et auditives ainsi qu’en émotions.


Le sablier © Ircam

« Un spectacle grandiose, une création aboutie ! »

À la sortie, les réactions approbatives ne tardent pas à se faire entendre : « Un spectacle grandiose, une création aboutie ! » s’exclame un spectateur enthousiaste. Il explique qu’il n’avait jamais vu de musique contemporaine avec une scénographie aussi complexe, grâce à la musique qui naît du décor, à l’électronique qui conduit la musique, aux humains qui suivent la partition de l’informatique ; c’est une quantité de variables qui s’enchaînent et qui donnent l’impression que le spectacle passe très vite, tout en étant très beau.
Les deux lycéennes croisées plus tôt ont rapidement été plongées dans l’atmosphère spéciale véhiculée par la musique. Les images des ruines représentent bien, selon elles, le temps qui passe ; le spectacle donne à réfléchir sur l’importance du souvenir et de la mémoire, sur notre condition d’homme.
Une amatrice d’univers Urbex sort de la salle séduite par les images de paysages abandonnés et par la dimension hybride entre cinéma et musique. Malgré quelques longueurs, le voyage lui a plu, car elle s’est bien retrouvée au fin fond de la Norvège.
Saisie par l’usage de l’électronique, une auditrice a apprécié l’alternance entre des moments de live – avec des instrumentistes sur scène, et la composition électronique – en partie construite de samples de textes, qui crée un univers particulier. Elle retient aussi les beaux solos d’accordéon, de guitare et de piano. Parmi les paysages fabuleux, elle a été marquée par l’image de la friche industrielle possédée par les pigeons. Au final, elle a ressenti un grand vide, mais est rentrée facilement dans un univers passionnant…

par Lucida, spectatrice

  • Scènes Nationale d'Orléans  © Ircam
    Scènes Nationale d'Orléans © Ircam
  • Campo Santo  © Ircam
    Campo Santo © Ircam
  • Campo Santo  © Ircam
    Campo Santo © Ircam
  • Sylvain Lemêtre, percussionniste  © Ircam
    Sylvain Lemêtre, percussionniste © Ircam
  • Campo Santo  © Ircam
    Campo Santo © Ircam