Séminaire MaMuPhi
Cette journée souhaite explorer le statut des mathématiques à partir des limites supposées structurelles qui définissent leur champ. Notre hypothèse de départ est que les mathématiques représentent la forme paradigmatique du théorique en vertu de la rigueur et de la nécessité idéales qui sont immanentes à leurs constructions. En ce sens, l’idée « classique » de la Théorie qui a guidé le savoir scientifique depuis l’Antiquité est une idée essentiellement mathématique, qui tend à identifier la Théorie rigoureuse à la possibilité de repérer des invariants à travers des opérations d’idéalisation. Or une telle exigence concernant le repérage d’invariants pose le problème du statut théorique d’objets ou de champs qu’il paraît impossible de soumettre à la norme d’une invariance surplombant en quelque sorte la multiplicité de ses variations. C’est à de tels objets qu’on a affaire dans les sciences du vivant ou dans les recherches sur les pratiques de l’invention : ces domaines d’investigation interrogent la possibilité d’une théorisation, donc d’une mathesis, de ce qui semble caractérisable uniquement comme singularité, discontinuité, multiplicité… La question que nous souhaitons soulever à travers les interventions de cette journée est la suivante : est-il possible de concevoir un usage effectif des idéalités mathématiques là où aucune invariance ne semble repérable ?
Programme
10 h – 13 h
Giuseppe Longo - La singularité physique du vivant : où en sommes nous ?
En science de la nature (ainsi que en sciences de l’homme), l’explicitation théorique (ou éthico-politique) doit précéder l’engagement mathématique. Je reviendrai sur les grands principes de la théorie de l’évolution, parfaitement incompatibles avec le physico-mathématique, ainsi que sur quelques grandes dualités entre celui-ci et une possible théorisation biologique en théorie des organismes. Si le temps le permet, je mentionnerai quelques conséquences sur notre santé des différents cadres théoriques de la microbiologie et de la biologie moléculaire.
Alessandro Sarti - Hétérogenèse différentielle et dynamiques post-structurelles: un cadre théorique/mathématique
A la différence du calcul différentiel utilisé en physique-mathématique, l'hétérogenèse est basée sur l'agencement de contraintes différentielles distinctes point par point. Dans cet exposé on proposera un cadre théorique pour la construction d’assemblages différentielles. On soulignera la possibilité d'une hétérogénéité radicale des contraintes différentielles au niveau de leurs géométries locales, de leurs dynamiques et des substances sur lesquelles elles opèrent. Notre but est de libérer le devenir dynamique de toute forme de symétrie unitaire et totalisante et de développer des formes, des actions et des pensées au moyen de dispositifs de prolifération, juxtaposition et disjonction.
15 h 00 – 18 h 00
Andrea Cavazzini & Mathias Béjean - Dialogue sur l’idée et les enjeux d’une mathesis singularis.
Il s’agira dans cette intervention « bicéphale » de développer certaines implications de nos questions initiales. Le rapport entre les mathématiques et les objets qui semblent leur résister peut donner lieu à deux questionnements distincts : 1) Quel usage peut-on faire des mathématiques pour produire une théorisation rigoureuse de ces objets ? 2) Que devraient être les mathématiques pour parvenir à rendre concevable de tels objets ? La deuxième question renoue avec un projet implicite de la pensée mathématique à l’époque idéaliste et romantique : penser une efficacité des mathématiques qui ne dépendrait plus du primat d’un invariant afin de saisir par cette nouvelle mathesis les aspects dynamiques, singuliers, discontinus du réel. Peut-on concevoir des mathématiques de la singularité et du devenir « purs » ? Et qu’est-ce qu’un tel mode d’existence des mathématiques impliquerait quant à la forme de la Théorie ?
Organisation
Andrea Cavazzini & Mathias Béjean
Prochains rendez-vous
10 mars 2018 : De l’opposition du moderne et du contemporain depuis 1968
6-7 avril 2018 : Journées d’étude sur Immanence des vérités d’Alain Badiou
26 mai 2018 : La rupture de 1848