Des mondes possibles [en ligne]
Dans le cadre du Festival de Witten
À l’origine de ce quatuor, il y avait six espaces. Six territoires que j’avais conçu – avec leurs spécificités, leurs accès plus ou moins faciles, leur géographie — et que je souhaitais faire arpenter à cette formation si particulière qu'est le quatuor à cordes. Ces topologies sont un espace de pensée pour moi depuis plusieurs années, et avec lesquelles je peux voir mes mondes, mais aussi me déplacer vis-à-vis d’eux, me permettent d’avoir une approche un peu particulière de la forme. Si l’on peut distinguer des parties, puisque chaque région a son identité propre, le passage de l’une à l’autre et la mémoire accumulée au fur et à mesure fait que chaque retour dans une région déjà visitée implique une relecture du monde alors à nouveau traversé. On n’y trouve peu de long processus continus mais davantage de trajectoires multiples, de lignes sans cesse reconfigurées.
Les éléments du quatuor et l'électronique viennent alors parfois faire-espace, mais sont aussi très souvent des figures qui peuplent les différents territoires qui sont parcourus tout au long de la pièce. Ainsi il y a matière à réfléchir à ce que certaines configurations spatiales peuvent impliquer comme conséquences pour celles et ceux qui y vivent ne serait-ce que de manière très éphémère. La formation du quatuor est alors totalement dépendante des géographies qu’elle traverse et si elle s’en affranchit parfois, c’est souvent au prix d’une lutte acharnée. Il y a les lieux hostiles, les lieux de pouvoir et de traque, les zones qui n’offrent aucun endroit où se cacher, et il y a les lieux qui ouvrent de nouvelles manières de se mouvoir mais aussi des lieux qui sont autres — lieu du bord, de la limite — où l’étrangeté peut devenir un chez-soi.
« Quoi qu’on puisse dire d’autre de ces modes d’organisation, ils ne sont pas « trouvés dans le monde », mais construits pour faire un monde. Autant que la composition et la décomposition, autant que la pondération des totalités et des genres, l’agencement participe aux manières de faire le monde ».
Nelson Goodman, Manières de faire des mondes.
Cette pièce a été réalisée dans les studios de l’Ircam ainsi qu’à la Villa Médicis (résidence 2020-2021).
Quatuor Diotima
Serge Lemouton réalisation informatique musicale Ircam
Sasha J. Blondeau Des mondes possibles commande de Françoise et Jean-Philippe Billarant, création 2021
- Sasha Blondeau © DR
- Quatuor Diotima © DR