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Rémi Fox & Jérôme Nika 3/4 : Live Music (In Athens)

Le blog des résidences artistiques

« Je le constate de plus en plus au fil de ma collaboration avec Jérôme Nika, affirme Rémi Fox. Se dire "On se voit et on improvise !", ça peut marcher une fois, parfois une deuxième, avec un peu de chance et la magie de l’improvisation. Mais pour approfondir, un vrai travail préliminaire de méta-composition est nécessaire, pour savoir avec quel matériau jouer, et de quelle manière le traiter, à la fois par Jérôme à sa machine, par moi, et par le duo. »

Ce genre d’affirmation pouvant paraître un peu abstrait, Rémi Fox et Jérôme Nika ont accepté de décrypter pour nous un morceau extrait d’une performance que leur duo « C’est pour ça » a donnée à Athènes le 26 septembre 2019.
Mais d’abord, écoutons l’improvisation dans son intégralité, intitulée Live Music (In Athens) :

On ne décortiquera pas le morceau dans son entier : ce serait trop long. Mais les cinq dernières minutes offrent un exemple très éloquent et explicite du fonctionnement du duo. Dans l’avant-dernière section (de la 9e à la 11e minute environ), DICY2 improvise à partir d’une « mémoire » constituée par la piste de batterie du morceau Lucid Dream (extrait de l’album Inget Nytt. de nOx.3 & Linda Oláh, dont Rémi Fox est le saxophoniste). C’est-à-dire que le matériau sonore qu’on entend est comme un « patchwork » de sons extraits de cette piste de batterie.

Batterie Lucid Dream

Cette mémoire est « stimulée » par la voix parlée de Coleman Hawkins, c’est-à-dire que la voix de Coleman Hawkins est utilisée en tant que « scénario » musical, dont l’écoute et l’analyse guident le parcours de la « mémoire ».

Voix de Coleman Hawkins

En l’occurrence, l’agent DICY2 « écoute » les caractéristiques dynamiques d’énergie et de variations de registres de la voix de Coleman Hawkins. En d’autres termes, DICY2 crée une nouvelle partie de batterie (à partir des sons qu’il a en « mémoire ») qui suit les contours prosodiques de la voix, tout en gardant une articulation rythmique vraisemblable.

Interaction voix + batterie

On remarquera sans doute que, dans cette section, il n’y a pas d’écoute réactive du saxophone par DICY2, comme on pourrait s’y attendre. C’est toutefois le cas juste après, dans la dernière section (de la 11e minute à la fin). Là, ce n’est plus une mais trois pistes audio qui constituent la « mémoire » utilisée par DICY2 pour produire son improvisation : la partie de piano du morceau Lucid Dream (le même que tout à l’heure)


Piano Lucid Dream

les voix chantées, toujours du morceau Lucid Dream

Voix Lucid Dream

et la voix parlée de Coleman Hawkins (on constate donc ici un changement d’utilisation par rapport à la section précédente : la voix n’est plus un scénario qui stimule, elle fait partie de la réserve de sons).

Voix de Coleman Hawkins


Pour « stimuler » cette mémoire hétéroclite, il n’est, cette fois, plus question d’un « scénario » au sens de « structure temporelle » (dans l’exemple précédent, l’évolution temporelle de l’improvisation suivait celle du fichier de voix parlée) : c’est, tout simplement dirons-nous, l’improvisation de Rémi Fox au saxophone qui s’en charge – ce qui est d’ailleurs le mode de jeu le plus courant du duo. Plus spécifiquement, c’est l’écoute et l’analyse en temps réel des couleurs harmoniques de ladite improvisation qui oriente celle des agents DICY2.

« L’idée, précise Jérôme Nika, est que Rémi suggère à DICY2, par quelques notes seulement, l’univers harmonique dans lequel il va évoluer, après quoi DICY2 vit sa vie… C’est une trouvaille qui nous est venue au cours de l’improvisation, que nous n’avions pas du tout ni prévue, ni formalisée en amont ! »

Live music à Athènes (écouter à partir de 11min pour la partie analysée)

S’agissant de la voix, on remarque que celle, parlée, de Coleman Hawkins prend presque une allure de voix chantée, en suivant plus ou moins fidèlement le saxophone de Rémi.


Cette improvisation athénienne du duo « C’est pour ça » figurera sur son album, à sortir dans les mois prochains. Dans notre prochain épisode, nous décortiquerons un autre morceau de ce même album : In order of appearance.