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Le métier d'ingénieur du son

Sylvain Cadars, ingénieur du son à l'Ircam depuis huit ans, répond à nos questions sur son parcours et son métier.

Peux-tu nous présenter ton parcours ?
Mon parcours est relativement atypique puisqu’il commence par des études en électronique, durant six ans, au sein d’une PME dans l’industrie des télécoms. Puis une reprise d’études à 28 ans au Conservatoire national des arts et métiers de Paris en acoustique qui s’étendra sur six années. Parallèlement, il y avait bien sûr des études de musique au conservatoire de musique (classe de flûte et guitare). Les études en acoustique étaient dans un premier temps le moyen de valider des compétences proches de l’ingénierie sonore au moment où je commençais à tisser un réseau de contacts dans les milieux du spectacle vivant alors que je menais études, travail dans l’industrie et projets musicaux. C’est bien évidemment la motivation, le relationnel, l’esprit de curiosité et d’expérimentation qui ont créé une alchimie positive dès lors que j’ai été amené à travailler sur des projets de musique contemporaine proche ou non des champs de l’institut.
Le temps nécessaire pour bâtir un réseau relationnel dans ce métier est différent pour tous. Il relève de compétences techniques ou humaines encore non acquises, ou de la conjoncture économique (nombreuses subventions dans la musique apportent implicitement plus d’opportunités de projets motivants et correctement rémunérés pour toutes les personnes des équipes mises en jeu). J’ai donc choisi de poursuivre, après le CNAM, le master de recherche spécialité ATIAM car les disciplines qui y sont enseignées sont passionnantes. L’idée fondamentale étant soit la professionnalisation dans les métiers du son, soit dans la recherche en acoustique. Le master validé, les choix de thèses ne m’ont pas inspiré et les conditions familiales étaient peu propices à suivre trois années de thèse. Je me suis tourné vers l’architecture et travaillé durant deux années dans un bureau d’études en acoustique, ce qui m’a permis de renforcer le jeu du compromis. Marchant main dans la main avec l’architecte, j’ai négocié avec des géants du bâtiment, de vingt ans mes aînés le plus souvent, des solutions pour que les performances acoustiques soient réussies. Ma position actuelle à l’Ircam est souvent semblable puisqu’il nous arrive régulièrement de proposer, discuter et négocier des compromis autour de l’espace de sonorisation imaginé par nos compositeurs. Une expérience d’écoute vers les autres non négligeable. L’amour de la musique contemporaine et la confiance de certains membres de l’équipe de production de l’institut m’ont encouragé à intégrer l’Ircam.

Comme je l’expliquais, c’est un parcours parmi d’autres, chaque chemin est différent pour tous. Au sein de l’équipe, certains sont passés par des écoles scientifiques avec une spécialité son comme l’ISB à Brest, d’autres par le Conservatoire de Paris, etc. L’équipe d’ingénierie sonore, composée de quatre permanents et de nombreux intermittents, est riche de parcours.

Comment définirais-tu le métier d'ingénieur du son ?
Il y a plusieurs ramifications dans ce métier. Preneur de son, sonorisateur, mixeur en postproduction, etc. Hormis les compétences techniques nécessaires autour de l'audio, chaque milieu nécessite des aptitudes particulières. Dans mon cas, nous sommes plus précisément dans le contexte du spectacle vivant sur la réalisation de concerts, d’installations sonores ou d’opéra. Un spectacle ne se monte jamais seul, c’est l’énergie de plusieurs personnes qui travaillent en collaboration au service du projet artistique. L’ingénieur son doit avoir des compétences techniques, mais également relationnelles. Être professionnel dans ce milieu, c’est éviter les débordements de dernière minute et savoir rebondir rapidement sur des alternatives en cas de problèmes. S’assurer que le son du concert ou de l’enregistrement sera parfait.


Sylvain Cadars, Alberto Posadas and Thomas Goepfer © Jean Radel, Le Regard de James

C'est quoi ton quotidien en tant qu'ingénieur du son à l'Ircam ?
Je travaille le plus souvent sur plusieurs projets artistiques en parallèle. Les premières phases regroupent l'étude technique du projet, les plans et les dispositifs sonores possibles ainsi que la définition des moyens humains nécessaires. Puis viennent les phases où l'on rentre plus en avant dans la partie artistique en étant à l'écoute de la musique, des idées des compositeurs et des réalisateurs en informatique musicale. Il faut donc s'imprégner du projet, car l'étape finale consiste à faire les équilibres sonores entre les musiciens sur scène et l'électronique diffusée en salle durant la performance. C'est également les phases où s'établissent des rapports de confiance avec les chefs d'orchestre (s'il y en a sur le projet) et les musiciens.

Est-ce qu'il y a une différence entre être ingénieur du son à l'Ircam et ailleurs ?
Oui, assurément. L’Ircam est un institut de recherche et un centre de création sonore. Nous sommes au carrefour entre les chercheurs et les compositeurs. Nous expérimentons les outils de chercheurs avec la possibilité de leur demander des options supplémentaires ou spécifiques en vue des prochaines créations sonores. Il est possible de suivre également toutes les dernières évolutions autour des équipes de recherche. De plus, c’est également différent d’un emploi fixe au sein d’une salle de concert ou d’un opéra. Nous sommes régulièrement amenés à jouer les pièces contemporaines dans plusieurs salles en Europe, donc des espaces acoustiques qui varient et qui amènent son lot de bonnes et mauvaises surprises. C'est aussi l'occasion de s’adapter à d'autres environnements, d’autres équipes et différentes personnalités.

Une expérience marquante ?
Depuis huit ans à l’Ircam, chaque projet apporte des expériences marquantes. Elle se situe parfois dans les relations avec les compositeurs, les interprètes ou les équipes, mais également dans les dispositifs mis en œuvre. Par exemple, l’expérience avec Daniel Jeanneteau sur Les Aveugles de Maeterlink était riche en émotions humaines, mais l’expérience de Le Encantadas d’Olga Neuwirth était riche par le dispositif mis en jeu puisqu’il y avait une sphère ambisonic de haut-parleurs, 2 consoles de mixages, 4 ordinateurs pour la diffusion. Un concert à la Philharmonie de Cologne, à la Rurhtriennale en Allemagne ou à la Cité de la musique à Paris est en soi une expérience marquante…


Sylvain Cadars lors d'un concert à Cologne en Allemagne © Jean Radel, Le Regard de James

Quels conseils donnerais-tu pour des jeunes qui voudraient se lancer comme toi ?
D’une part, développer au maximum un réseau de connaissances dans la spécialité qui les passionnent (studio, live, cinéma). Dans ce cas, poursuivre le plus longtemps possible des études autour de la musique (ingénierie sonore, acoustique, conservatoire et informatique musicale) pour bénéficier d’une culture générale étendue, fortement nécessaire pour développer les rencontres dans le milieu du son.
D’autre part, conserver une forte motivation. Elle est souvent le vecteur de nombreuses rencontres.

Soyons fous et imaginons le meilleur : de quelle évolution technique ou technologique, aimerais-tu pouvoir bénéficier ?
Les meilleures enceintes du monde, les plus beaux microphones et consoles de mixage, bien sûr.